Inscrit le: 24 Mar 2008 Messages: 3273 Localisation: Dans la lune
Posté le: Dim Mar 08, 2015 9:23 pm Sujet du message: Trilogie du Minotaure - Thomas Burnett Swann
Résumé éditeur :
Au cœur de l'île de Crète se niche une vaste forêt interdite aux Hommes. Là, dans cet océan d'arbres millénaires et de collines verdoyantes, festoient et chassent les ultimes représentants de ceux qu'on appelle les Bêtes Centaures, Dryades, Panisci, Telchins... C'est là que vit Eunostos, le dernier des Minotaures, figure emblématique d'un monde voué à disparaître.
Mon avis : il s'agit en fait de 3 romans réunis (comme le laisse deviner le titre) : le Labyrinthe du Minotaure, la Forêt du Minotaure, le Jour du Minotaure.
Bien que l'on tourne autour des mêmes personnages, chaque roman est autonome. La chronologie de l'histoire suit même l'ordre inverse de celui de l'écriture puisque Swann a commencé par écrire le 3e. Cela dit, tous suivent le même schéma : tout va pour le mieux sur l'île des Bêtes jusqu'au jour où un humain y entre et vient perturber l'équilibre. La figure du Minotaure est bien sûr le fil directeur de la trilogie : Clochettes d'argent dans le 1er livre, son fils Eunostos dans les 2 autres. J'aime beaucoup cette fantasy originale, qui s'enracine dans la mythologie grecque. On est dans une espèce d'âge d'or précaire, avec des Bêtes tellement humaines. On retrouve l'ambiance du Phénix vert et de la Dame des Abeilles. Le seul reproche que je ferais à ces livres concerne la façon très appuyée dont la liberté sexuelle est revendiquée, surtout pour les femmes. La dryade Zoé est particulièrement lourde en insistant sur le nombre de ses amants. Non pas que ce soit choquant. C'est juste que c'est trop dit. Mais j'imagine que c'est propre à l'époque d'écriture. J'avais déjà remarqué ça chez Anderson dans le Dernier Chant des Sirènes. A croire qu'à l'époque, les auteurs se sentaient obligés de montrer des femmes libérées et fières de l'être
Belle lecture, très poétique. C'est un auteur que j'apprécie et que je vais continuer à découvrir. _________________ Garde tes songes ;
les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous!
Inscrit le: 19 Mar 2007 Messages: 1489 Localisation: Paris
Posté le: Lun Mar 09, 2015 8:11 pm Sujet du message: Re: Trilogie du Minotaure - Thomas Burnett Swann
Très bonne idée d'avoir créé un sujet sur ces beaux romans
J'ai découvert Swann avec Le Jour du Minotaure et je découvre peu à peu ses autres livres, la trilogie du Latium et Plus grands sont les héros. J'aurais du mal à dire lequel j'aime le plus. C'est un univers beaucoup plus original qu'il n'en a l'air, mélange de mythes, de naïveté, d'érotisme léger, de grande poésie, de fantaisie facétieuse et de mélancolie. J'imagine qu'il doit être possible de ne pas l'apprécier, mais il faut le découvrir pour voir.
carabas a écrit:
Le seul reproche que je ferais à ces livres concerne la façon très appuyée dont la liberté sexuelle est revendiquée, surtout pour les femmes. La dryade Zoé est particulièrement lourde en insistant sur le nombre de ses amants. Non pas que ce soit choquant. C'est juste que c'est trop dit. Mais j'imagine que c'est propre à l'époque d'écriture. J'avais déjà remarqué ça chez Anderson dans le Dernier Chant des Sirènes. A croire qu'à l'époque, les auteurs se sentaient obligés de montrer des femmes libérées et fières de l'être
Ah ? tiens. De mon côté, ça ne m'a pas paru appuyé, il m'a simplement semblé que c'était une caractéristique importante de l'univers de Swann. Il y a peut-être une revendication derrière, j'imagine, mais ça m'a paru si bien cadrer avec l'ensemble de sa création que je n'ai pas trouvé ça forcé ou "gros sabots" du tout.
Il faut voir aussi que Swann puise directement dans la sensualité antique, qu'il s'approprie, bien sûr, mais qu'il utilise aussi pour imaginer un univers de fantasy mythologique dont l'état d'esprit est complètement pré-chrétien et pré-monothéismes, sans aucun des interdits ou des hontes qui ont été imposés ensuite par eux dans le domaine de la sexualité ou de la sensualité. C'est particulièrement visible dans Plus grands sont les héros avec la cohabitation entre le culte d'Astarté et celui de Yahvé.
Inscrit le: 24 Mar 2008 Messages: 3273 Localisation: Dans la lune
Posté le: Lun Mar 09, 2015 10:00 pm Sujet du message:
Je suis d'accord, mais autant je trouvais que ça allait dans le cycle du Latium, autant, là, avec le personnage de Zoé, j'ai trouvé ça vraiment lourd. "Moi, je suis attirante, malgré mon age, tous les mâles veulent partager ma couche, mes formes sensuelles plaisent, alors que cette petite dryade n'est pas une vraie femme". Ce n'est pas une citation, mais ça donne un peu ce genre-là tout au long des pages. Cela dit, ça reste un beau livre. _________________ Garde tes songes ;
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Posté le: Mar Mar 10, 2015 12:45 am Sujet du message: Re: Trilogie du Minotaure - Thomas Burnett Swann
carabas a écrit:
la façon très appuyée dont la liberté sexuelle est revendiquée, surtout pour les femmes
Un militantisme de bon ton à l'époque d'écriture. Après des décennies de pudibonderie et de tabous oppressants, un intellectuel devait verser dans l'excès inverse pour paraître intelligent et moderne. Dans les années 60 et 70, un personnage de fiction passait pour admirable et pleinement épanoui quand ses loisirs étaient entièrement consacrés à une activité sexuelle frénétique. On trouvait ça dans les romans, et les films. Le fait que ça paraisse un tantinet ridicule - et lassant - aujourd'hui prouve qu'un juste équilibre a été trouvé depuis.
Le vieillissement rapide de certains codes narratifs permet de se rappeler la bêtise et le snobisme des précédentes générations lors de telle ou telle mode. Dans Malevil, excellent roman au demeurant (je le recommande à tous ceux qui ne l'ont pas encore lu), le lecteur moderne peut tiquer sur les sous textes "les gens près de la nature ont tout compris de l'univers" et "les femmes sont des êtres superstitieux et irrationnels". Mais ne soyons pas trop durs avec ces auteurs qui ont voulu se concilier l'air du temps. Nos petits enfants diront sans doute la même chose des romans que nous aimons. _________________ Tennis de Table Bordeaux
Inscrit le: 19 Mar 2007 Messages: 1489 Localisation: Paris
Posté le: Ven Mar 13, 2015 6:39 pm Sujet du message:
Mouais, je ne suis pas convaincu... Ce que j'ai lu de la vie de Thomas Burnett Swann cadre mal, à mon avis, avec l'idée d'un auteur ayant absolument tenu à se concilier l'air du temps.
En revanche, Zoé est un personnage très extraverti et un tantinet nymphomane, mais ça me semble simplement tenir à la personnalité du personnage plus qu'à un procédé pour attirer le chaland. D'autres aspects de l'univers de Swann sont tout sauf "commerciaux" ou "à la mode de son temps".
Posté le: Ven Mar 13, 2015 9:31 pm Sujet du message:
Tybalt a écrit:
Zoé est un personnage très extraverti et un tantinet nymphomane, mais ça me semble simplement tenir à la personnalité du personnage
Pour trancher, demande toi si ça fonctionne. Si oui, alors tu as raison. Sinon, Zoé rejoint la cohorte de personnages identiques écrits cette décennie là. _________________ Tennis de Table Bordeaux
Inscrit le: 24 Mar 2008 Messages: 3273 Localisation: Dans la lune
Posté le: Ven Mar 13, 2015 11:33 pm Sujet du message:
Je ne dis pas qu'il ait cédé à la mode. Les auteurs sont influencés, bien malgré eux, par l'air du temps, et c'est normal. Je ne pense pas que le but était d'attirer le chaland, ça devait correspondre à l'état d'esprit du livre, qui, de toute façon, valorise la liberté sexuelle et donne une vision très sombre du mariage. Ça correspond à l'époque. Je dis juste que le livre n'aurait pas perdu en qualité si cet aspect du personnage de Zoé avait été moins appuyé.
Cette trilogie est, cela dit, vraiment bonne. _________________ Garde tes songes ;
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Posté le: Sam Mar 14, 2015 8:58 am Sujet du message:
carabas a écrit:
le livre n'aurait pas perdu en qualité si cet aspect du personnage de Zoé avait été moins appuyé.
C'est pour cela que je vois ça comme un code narratif qui a mal vieilli. Quand un aspect d'un livre a mal vieilli, c'est justement parce qu'il a été inspiré par l'époque d'écriture. Autrement dit, c'est quelque chose qui fonctionnait à l'époque d'écriture. Inversement, quand un livre fonctionne un demi siècle après avoir été écrit, c'est que l'auteur avait assez de talent pour transcender l'air du temps.
Attention, je ne dis pas que je n'ai jamais aimé des livres hautement périssables qui surfent sur des modes. J'ai lu beaucoup de romans sympathiques de ce genre (tout en sachant qu'ils vieilliraient assez mal). Je dis que les livres qui parviennent à être bons sans céder à cette facilité sont d'un tout autre calibre. Ils ont un côté intemporel et universel qui est pour moi la marque d'une plus grande créativité. Sur ce plan, la sexualité est un excellent marqueur temporel parce que l'attitude de notre société sur la question a évolué rapidement. C'est particulièrement vrai pour les années 60 et 70. Le personnage nymphomane présenté comme admirable et épanoui est un bon exemple. Il abonde dans cette période.
carabas a écrit:
Je ne pense pas que le but était d'attirer le chaland
Tous les auteurs essaient d'attirer le chaland. Victor Hugo, Levy, Homère .. Ce qui diffère, c'est ce qu'ils mettent dans le récit pour rendre attractif le roman. _________________ Tennis de Table Bordeaux
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