Posté le: Lun Aoû 09, 2004 10:16 pm Sujet du message: La place - Annie Ernaux
Sincérité, grande pudeur et émotionBref, Annie Ernaux, suite à la mort de son père, avait tenté d'inclure son personnage dans un de ses romans. Vaines tentatives. Et puis finalement, c'est en décidant de parler de lui crûment, sans pathos, "d'une écriture plate" pour dire les nouvelles essentielles. Rassembler les paroles, les gestes, les goûts du père, les faits marquants de sa vie. "Aucune poésie du souvenir, pas de dérision jubilante." Le pari est moitié réussi : Annie Ernaux parvient à retracer les traits d'un père très honnêtement, avec une pudeur non affectée. Pour parler d'un homme qui savait à peine lire et écrire, devenu ouvrier avant de s'élever au rang de commerçant, toute la fierté des gens de peu, avec leur mode de vie et leurs expressions de tous les jours. Annie Ernaux les copie en fille modèle dans son livre, un peu honteuse d'avoir tourné le dos à ce monde où elle a grandi heureuse, et puis rejeté lors de son entrée dans le monde bourgeois. Le résultat est juste, touchant. Car l'auteur a manqué à produire un texte plat, dans son état brut : l'émotion est présente du début à la fin, poignante, et vous noue l'estomac devant le récit de la mort du père. La disparition de cet être cher, bourru dans son genre, mais aimant et aimé pour ce qu'il était. "La place" lui en délivre un terrible et bouleversant hommage. Un très beau témoignage d'une fille pour son père. A lire, le mouchoir à portée de main.Gallimard, 114 pages.
Dispo en Folio.Clarabelle
Inscrit le: 19 Mar 2007 Messages: 1488 Localisation: Paris
Posté le: Mer Sep 06, 2017 7:44 pm Sujet du message:
Je viens de lire en quelques heures ce court roman, le premier de cette auteure que je lis (après en avoir beaucoup entendu parler). Il a été réédité dans une édition pour collégiens (dans le cadre du thème de l'autobiographie au programme de 3e). Et c'est une bonne chose, car c'est un livre qui me semble à la fois accessible - par la simplicité apparente de son écriture - et utile à étudier, car finalement plus subtil et complexe que son style dépouillé ne le laisse attendre au premier abord.
Pour parler de son père, Annie Ernaux recourt à une écriture "factuelle", des phrases simples, enchaînées sans beaucoup de transitions, dans un texte qui finit par ressembler à un collage d'instants vécus d'apparence disparate. Mais entre les lignes, et dans ses choix d'organisation de cette matière de la mémoire, il y a beaucoup de finesse, un regard sur le passé à la fois distant et toujours intime. L'auteure, la fille, s'est peu à peu trouvée éloignée de sa propre famille par les études qu'elle a faites grâce aux efforts financiers consentis par la famille en question. Elle a pris conscience de la honte qui s'attache aux milieux pauvres, dits "modestes" ou "simples", et du poids de la différence de classes (car c'est bien de mépris de classe qu'il s'agit). Elle ne l'évoque par avec des généralités, mais par une multitude de petites touches, comme un tableau pointilliste. Et c'est aussi de ce regard et de ces choix de mémoire, de cette écriture tout en retenue, que l'émotion naît, d'autant plus puissante.
C'est aussi un livre qui donnera beaucoup à réfléchir à toutes celles et ceux à qui l'école a permis une ascension sociale ou au moins culturelle par l'éducation, et qui sont sortis de la condition ou du métier de leurs parents.
Une belle découverte qui me donne envie de lire d'autres livres de la même écrivaine.
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