Posté le: Jeu Jan 08, 2004 4:25 pm Sujet du message: Trompe L'amour - Cédric Prévost
Mon avis : Cédric Prévost est un jeune homme très culotté. Pour ce premier roman, il se glisse dans la peau d’une comédienne au chômage qui nous charme dès les premières lignes. Spécialiste du ratage des castings, l’héroïne répond à une petite annonce particulière : une agence cherche des acteurs pour interpréter des rôles de personnages réels auprès de particuliers esseulés.
Débute alors un voyage au pays de l’improvisation, doublée d’une fine analyse de la nature schizophrène des acteurs. Fascinant.
Posté le: Mer Jan 28, 2004 3:17 pm Sujet du message:
j'ai surtout aimé ce personnage feminin, crée par un auteur masculin...
pas mal vu tout de meme ! suis d'acc pour la fin. mais c'est tout de meme un bon bouquin, on le lit avec plaisir !
Sous le signe du faux-semblant« Et l’histoire, vous allez rire, c’est juste une fille qui pleure ». La première ligne de cet étrange roman pourrait tout aussi bien faire office de dénouement, de la même façon que la première scène – une jeune fille derrière une caméra, à qui une directrice de casting a demandé de pleurer – met d’emblée en place la métaphore filée qui sous-tend le roman tout entier : série de variations à tension montante sur le thème du « comme si » et du jeu théâtral.
C’est donc l’histoire d’une jeune provinciale qui, casting après casting, petit boulot après petit boulot, tente de survivre dans la capitale et de se faire une place dans le monde difficile du théâtre et du cinéma. La naïveté touchante de son discours coïncide avec son désir d’y arriver et une lucidité sans failles sur les risques et les difficultés du métier (elle n'est pas dupe de son physique passe-partout) mais les petites annonces de son école de théâtre ne lui donnent guère d’espoir. Ce petit parcours classique pourrait sembler bien banal – sorti tout droit d’un documentaire sur le chômage des jeunes intermittents – si ce n’était le ton détaché et presque indifférent de la narratrice et le tour surprenant que prend le récit, quand elle tombe sur une annonce énigmatique : un certain Abel lui fait passer un test, puis l’embauche dans son entreprise de « location de personnes » : « Rien à voir avec de la prostitution, il a bien insisté : pas de rapport sexuel. Juste des sentiments, comme au théâtre. Du faux pour de vrai. Ou du vrai pour de faux ». Il existe un vrai marché pour ce type de performance (un concept importé du Japon) mais le roman n’est pas une suite croustillante d’anecdotes et de rencontres artificielles, destinées à permettre au lecteur de jouer au voyeur ; certes, la jeune comédienne enchaîne les rôles, change de fonction jour après jour (la fille d’une femme qui a perdu sa propre fille, la meilleure amie d’une jeune fille esseulée, la fausse maîtresse d’un homme qui n’a pas le courage de tromper sa femme « pour de vrai », etc.) et l’on s’en amuse, mais le roman comporte d’autres caractéristiques beaucoup plus terrifiantes : sa propre personnalité subit aussi le contrecoup de ces métamorphoses accélérées, si bien que peu à peu, il lui est difficile de démêler le vrai du faux, la fiction de la réalité, sa vie personnelle de ses multiples tranches d’existences inventées. Elle joue sur le fil du rasoir et chaque prestation semble mettre un peu plus en péril son propre équilibre mental : la fonction du personnage est ainsi bien définie par l’auteur, qui s’en sert comme une vivante illustration de la fragilité des frontières entre la réalité et la fiction ; l’exploration du thème est fine et perverse tout à la fois car peu à peu, un sentiment d’irréalité envahit le lecteur, comme s’il assistait au démantèlement du monde réel et au brouillage systématique des repères identitaires, tant et si bien qu'il en vient à douter de sa propre substance... Abel (mais ne s’appelle-t-il pas plutôt Cyril ?), son employeur, lui demande aussi de jouer la comédie pour lui et, de plus en plus souvent, elle endosse le rôle de sa fiancée enceinte, le rejoignant dans son grand appartement ; elle s’interroge pourtant, car quand son «fiancé» lui présente sa véritable sœur (la ressemblance physique est frappante), la jeune actrice croit comprendre que ce n’est plus un jeu, qu’Abel/Cyril est véritablement tombé amoureux d’elle. La comédie qu’elle jouait jusqu’alors devient réalité et cette inversion des pôles perturbe violemment les données. Ces dérèglements s’accompagnent aussi des symptômes agoraphobiques d’Abel, qui n’est pas sorti de chez lui depuis des années (on pense à l’excellent film du cinéaste belge Pierre-Paul Renders, Thomas est amoureux), incapable d’affronter la réalité du monde extérieur. On l’aura compris, ce petit marivaudage malsain et ces mises en abîme successives sont de légères leçons de comédie, presque satiriques, et composent une exploration méticuleuse et habile du jeu dramatique, de son incidence sur le réel (l'auteur est aussi comédien, metteur en scène et professeur d'art dramatique...), de l’interpénétration de mondes parallèles, indissociables, et des dangers à vouloir traverser des frontières impalpables et virtuelles et pourtant existantes… Un roman qui, sous couvert de divertissement, déclenche le vertige et confond théâtre et vie réelle jusqu'au point de faire des deux un mirage.Blandine Longre
(janvier 2004
ps: avec une petite photo de l'auteur.. huuummm..
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