Tybalt
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Posté le: Mar Sep 29, 2015 7:26 pm Sujet du message: Petit traité sur l'immensité du monde - Sylvain Tesson |
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Présentation de l'éditeur :
Pour ralentir la fuite du temps, Sylvain Tesson parcourt le monde à pied, à cheval, à vélo ou en canot. Dans les steppes d'Asie centrale, au Tibet, dans les forêts françaises ou à Paris, il marche, chevauche, escalade aussi les monuments à mains nues. Pour mieux embrasser la terre, il passe une nuit au sommet de Notre-Dame de Paris, bivouaque dans un arbre ou sous un pont, construit des cabanes.
Cet amoureux des reliefs poursuit le merveilleux et l'enchantement. Dans nos sociétés de communication, il en appelle à un nouveau nomadisme, à un vagabondage joyeux. Ce Petit traité sur l'immensité du monde est un précis de désobéissance naturaliste, une philosophie de poche buissonnière, un récit romantique contre l'ordre établi.
Mon avis :
Voilà un petit livre très court publié par l'auteur en 2005. Vite lu... sera-t-il vite oublié ? A voir. Il est inégal. C'était le premier livre de Tesson que je lisais. Mon impression générale en le terminant a été : "Moui, pas mal, mais je n'ai pas dû commencer par son meilleur".
Bizarrement, j'ai eu un peu l'impression d'avoir affaire à un genre de pot-pourri ou de best of, bourré d'allusions à ses voyages, mais sans récit trop long, davantage en mode "zapping". Ce n'est déjà pas mal. Autour de ces souvenirs et de ces historiettes, Tesson développe un propos argumentatif sur l'intérêt du voyage, sur les différentes phases du voyage, sur les voyageurs... et c'est franchement inégal.
Personnellement, j'ai souvent peu apprécié les moments où Tesson parle du voyageur. Le paradoxe s'explique facilement : je suis persuadé qu'il existe toutes sortes de raisons pour voyager, toutes sortes de façon de le faire, et toutes sortes d'enseignements variés à en tirer. Pas Tesson, du moins pas dans ce livre, puisqu'il parle volontiers "du voyageur", ou plutôt "du wanderer", mot allemand repris à Goethe et qui se traduit grosso modo par "errant", "nomade" ou "marcheur", sans correspondre précisément à l'un de ces mots. Tesson est visiblement quelqu'un qui a beaucoup lu, qui n'a pas volé son cerveau et qui a même une bonne plume, mais il y a tout de même des fois où il se gargarise un peu de son wanderer et assène de grandes généralités sentencieuses. Je ne pense pourtant pas qu'il ait été élu porte-parole des voyageurs par une instance quelconque.
Comme en plus le résultat est vaguement filandreux et parfois contradictoire, il y a quelques passages très bernardwerberesques dans le gloubiboulga. Sans parler de sa profession d'apolitique farouche (changer le monde ? hors de question ! le voyageur ne voyage pas pour ça, il n'en a que faire, etc.), résolument contredite quelques pages plus loin (pourquoi d'ailleurs Tesson publierait-il ses écrits de voyage, sinon pour changer le monde ? Pardon ? Pour financer ses prochains voyages ? Certes...).
Quelques remarques définitives d'une franche stupidité, un peu d'islamophobie à la mode (basée sur une lecture au premier degré du Coran, un peu comme si je me basais sur la lecture au premier degré de l'Ancien Testament pour en conclure que les chrétiens sont tous insortables), du féminisme (ce qui est bien) mais à la machette (en substance : "la domination masculine est encore très répandue dans le monde, donc les humains sont ignobles et je viens de prouver qu'il faut être misanthrope"... heu... pas convaincu...).
Et pourtant, je n'ouvrirais pas un sujet sur son bouquin s'il m'avait complètement déplu (en tout cas pas ce soir). A côté de ces passages pas toujours réussis voire franchement too much, il y a une réflexion heureusement parfois plus inspirée, une écriture agréable, surtout quand Tesson parle de ce qu'il a vu et ressenti pendant ses voyages plutôt que de ce qu'il pense de la société. Sylvain Tesson a un réel sens de l'image, de la métaphore, de la comparaison inattendue, il sait faire naître des effets poétiques, provoquer la réflexion ou/et inciter à la rêverie. Et il est habile à relater ses voyages et ses aventures ou mésaventures improbables.
Bref, j'en conclus provisoirement que Tesson est un auteur intéressant à lire, mais que ce Petit traité n'est pas vraiment la somme de sagesse ultime qu'on pourrait en attendre, et qu'il vaut mieux aller voir directement les récits de voyage pour lesquels il est plus connu. |
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