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Posté le: Jeu Déc 14, 2017 10:59 am Sujet du message: Royaume de vent et de colères - Jean-Laurent Del Socorro
A mon étonnement, je n'ai pas trouvé de sujet sur ce premier roman de fantasy historique légèrement uchronique publié par Del Socorro en 2015, mais il se peut que j'aie mal cherché, auquel cas il ne faudra pas hésiter à fusionner des choses
Quatrième de couverture :
" 1596. Deux ans avant l'édit de Nantes qui met fin aux guerres de Religion, Marseille la catholique s'oppose à Henri IV, l'ancien protestant. Une rébellion, une indépendance que ne peut tolérer le roi.
À La Roue de Fortune se croisent des passés que l’on cherche à fuir et des avenirs incertains : un chevalier usé et reconverti, une vieille femme qui dirige la guilde des assassins, un couple de magiciens amoureux et en fuite, et la patronne, ancienne mercenaire qui s’essaie à un métier sans arme.
Les pions sont en place.
Le mistral se lève.
La pièce peut commencer.
Placé entre l'Histoire et la fantasy, ce premier roman de Jean-Laurent Del Socorro est époustouflant de maîtrise et d'érudition.
« Jean-Laurent Del Socorro ferre son lecteur et lui murmure à l’oreille : “voici pile l’histoire qui te manquait pour retrouver le goût de la littérature”. » Ugo Bellagamba"
Mon avis :
J'ai découvert Del Socorro avec son second roman, Boudicca, qui m'a aussitôt donné envie de lire celui-ci... et je suis content d'avoir lu Royaume de vent et de colères en deuxième, car je crois que je l'ai encore plus apprécié que Boudicca.
Ce roman a trois grandes forces. D'abord, une galerie de personnages bien plantés, fouillés et globalement attachants, inspirés de certains stéréotypes de la fantasy (le chevalier, l'assassin, les mercenaires, etc.) mais les renouvellent ou les détournent en conférant une épaisseur humaine à ceux et surtout celles qui les incarnent.
Ensuite, une construction assez habile, en particulier dans la première et la troisième partie, avec leur alternance de points de vue s'enchaînant au fil d'une même scène : on passe des uns aux autres à quelques secondes d'intervalle, en revenant parfois brièvement sur les mêmes événements d'un nouveau point de vue. Cela donne encore plus de profondeur aux personnages et aux événements. La partie centrale, faite d'une série de flashbacks, forme autant de récits d'origines pour les personnages.
Enfin, un style déroutant mais diablement prenant. Del Socorro semble bien informé de la phrase de Colette : "Il faut avec les mots de tout le monde écrire comme personne", car c'est exactement ce qu'il fait. Ses chapitres sont courts, voire brefs dans la partie centrale. Il fait de nombreux paragraphes courts, des dialogues brefs mais incisifs. Il emploie des mots courants, décrit peu, ce sont avant tout l'intrigue et l psychologie de ses personnages qui l'intéressent. Mais le résultat se dévore.
Ajoutez à cela une écriture délibérément engagée dans des sujets de société des plus contemporains : le rôle des femmes et des minorités, la violence, l'extrémisme. Del Socorro aime mettre en scène des personnages féminins forts et il y arrive très bien, sans verser dans la caricature. De même, j'ai été enchanté par les deux magiciens secrètement en couple (pas secrètement pour les lecteurs, je ne vous gâche aucune surprise), Armand et Roland, dont la relation est traitée avec finesse, c'est-à-dire entre autres que les personnages ne s'y réduisent pas.
La nouvelle ajoutée à la fin du roman, qui revient sur l'histoire de Gabin, le jeune serveur de l'auberge, traite quant à elle du thème de la violence familiale, dans un style différent plus enfantin. Sans être un chef-d'oeuvre flappourdissant, elle m'a bien plu (et on y retrouve le personnage de Silas).
Pari ce qui m'a moins convaincu :
- La construction de la partie centrale, faite de flashbacks brefs alternant très vite entre des personnages et des époques variés, de façon quasi stroboscopique, a pour but d'expliquer l'origine des personnages et donc (l'auteur l'explique dans la courte interview en fin de volume) d'éclairer les choix décisifs des personnages qui scellent leurs destins dans la troisième partie. Le problème, c'est que ces chapitres très courts ont un côté fouillis et que certains détails m'ont paru un peu artificiels ou dispensables. Rien qui gêne beaucoup la lecture, cependant, car le texte reste tendu comme une corde.
- Le style. J'ai quand même fini par rester parfois sur ma faim en matière de descriptions. Del Socorro ne se cache pas d'utiliser les époques passées comme prétextes à l'évocation de personnages aux questionnements très actuels, et ça fonctionne très bien. Mais il passe souvent à côté de l'occasion de mieux nous plonger dans le XVIe siècle avec ses décors, ses costumes, son atmosphère propres. Sa narration ressemble parfois trop à celle d'un meneur de jeu dans une partie de jeu de rôle sur table : des précisions géopolitiques à dose homéopathique, beaucoup de discours intérieur des personnages, des descriptions réduites au strict nécessaire avec à peine ici et là quelques touches précisant un vêtement ou un accessoire... C'est tout de même un univers en slip, et c'est dommage.
- L'élément "fantasy" du texte. Il est très restreint : c'est l'Artbon, une magie ambivalente liée à une "pierre à équilibre" qui fait penser à une sorte d'uranium et qui crée une dépendance mortifère chez ceux qui en exploitent les pouvoirs. C'est une forme de magie originale et qui se prête bien à approfondir encore les personnages. Mais elle est très peu développée, au point que je me suis demandé quelle était son utilité réelle dans l'histoire. Le roman aurait pu sans problème s'en tenir à de l'historique pur en explorant simplement quelques destins de personnages peu connus.
- Même chose pour la part d'uchronie de l'intrigue, très liée à l'élément fantasy et, de ce fait, elle aussi très restreinte : en dehors de l'existence de l'Artbon, Del Socorro semble ne pas changer grand-chose aux événements survenus à Marseille à la fin du XVIe siècle (l'étonnante "république de Marseille"). J'aurais bien aimé qu'il prenne plus de liberté dans la création d'une Marseille uchronique, ou bien qu'il se décide à verser dans quelque chose de plus franchement historique.
- Enfin, c'est du détail, mais j'aurais bien aimé avoir quelques précisions justement sur la documentation de l'auteur et sur ce qu'il a changé ou non à l'Histoire. Mais cela peut se faire en interview et je crois aussi que Del Socorro a ajouté des annexes dans la réédition de son livre en poche.
Dans l'ensemble, ce roman reste un premier roman impressionnant et je n'ai pas fini de lire cet auteur avec intérêt !
Notez que j'ai lu le roman dans sa première édition chez ActuSF, orné d'une superbe couverture, mais il a été réédité aussi au Livre de poche.
Dernière édition par Tybalt le Sam Déc 23, 2017 5:43 pm; édité 2 fois
Inscrit le: 10 Mai 2003 Messages: 1241 Localisation: Martigues en Provence
Posté le: Jeu Déc 14, 2017 9:18 pm Sujet du message:
Salut Tybalt
Voila pourquoi je viens sur le Coin encore un livre qui augmente ma PAL, en plus d’après ton résumé cela se passe a Marseille, Ma Ville Natale, Merci. _________________ "Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l'horizon" (Jack London)
Maintenant je ne retarde rien Ne repousse ou ne conserve rien qui pourrait apporter de la joie et des rires à nos vies Je me dis que chaque jour est spécial
Chaque jour, chaque heure, chaque minute est spéciale
Posté le: Sam Déc 16, 2017 1:09 am Sujet du message: Re: Royaume de vent et de colères - Jen-Laurent Del Socorro
Tybalt a écrit:
- L'élément "fantasy" du texte. Il est très restreint (..) au point que je me suis demandé quelle était son utilité réelle dans l'histoire. Le roman aurait pu sans problème s'en tenir à de l'historique pur
Une remarque que je me suis déjà faite pour d'autres romans. J'en viens à me demander si ce n'est pas une contrainte marketing. Ne pas être dans le rayon fantasy aurait peut être réduit à zéro les chances de se vendre de ces romans. Donc les auteurs se fendent d'une vague teinture surnaturelle.
Inscrit le: 19 Mar 2007 Messages: 1488 Localisation: Paris
Posté le: Sam Déc 16, 2017 12:19 pm Sujet du message:
Pas convaincu, car en l'occurrence je pense plus à un réel attachement de l'auteur aux genres de l'imaginaire qui lui donne envie de mettre de la magie partout, mais on en discutera sur le fil dont tu donnes le lien
Posté le: Sam Déc 16, 2017 11:25 pm Sujet du message:
Ce n'était qu'un exemple parmi d'autres. Dans Wielstadt de Pierre Pevel, le dragon ne sert strictement à rien. J'ai l'impression que ces ajouts inutiles sont assez nombreux pour rendre plausible une motivation non artistique. _________________ Tennis de Table Bordeaux
Inscrit le: 10 Mai 2003 Messages: 1241 Localisation: Martigues en Provence
Posté le: Dim Déc 17, 2017 3:36 pm Sujet du message:
je l'ai réservé a ma Médiathèque et je le lirai surement en 2018 _________________ "Sur les rayons des bibliothèques, je vis un monde surgir de l'horizon" (Jack London)
Maintenant je ne retarde rien Ne repousse ou ne conserve rien qui pourrait apporter de la joie et des rires à nos vies Je me dis que chaque jour est spécial
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Inscrit le: 04 Avr 2005 Messages: 6308 Localisation: Sud
Posté le: Mar Déc 19, 2017 2:13 pm Sujet du message:
Contente qu'il t'ait plu, Tybalt. Pour ma part, les points que tu soulèves, indéniables, ne m'avaient pas gênée, ni même frappée à première lecture, à vrai dire. Sans doute m'étais-je laissée emporter par le vent de la course :-D. _________________ Même le soleil se couche.
Inscrit le: 14 Aoû 2003 Messages: 4646 Localisation: à l'ouest
Posté le: Jeu Déc 21, 2017 1:55 pm Sujet du message:
L'écriture m'a vraiment fait penser à du JdR, vu la façon dont chacun parle de ce qu'il fait ou va faire, sans oublier le petit background qui explique le personnage... On croirait presque voir des "fiches de perso" avec les caractéristiques. Par contre, il n'y a pas ou peu d'action commune. J'ai bien apprécié le côté fantasy, mais on aimerait bien en savoir davantage sur ce minerai curieux. Trop court pour moi, vraiment. Mais un auteur que je suis contente d'avoir découvert. _________________ Fantasy can become reality (Stratovarius).
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