Makhno et sa juive - Joseph Kessel

[Catheline]

« Makhno et sa juive » de Joseph Kessel : Cela se passe en Russie, c'est l'histoire de Makhno. Makhno est un bandit cruel qui, accompagné de sa bande, pille, viole, égorge, empale, décapite les êtres qui lui barrent la route et ceux qui ont le malheur d’être dans les villages qu’il traverse. Il a une horreur des bourgeois, des Juifs, tue les Rouges et les Blancs sans discernement, est un anarchiste convaincu. C’est Sonia, une jeune captive juive, qui ramènera en lui des sentiments humains, et touché par l’innocence et la fierté de cette belle fille, Makhno tombera amoureux. C’est une nouvelle basée sur un personnage qui a réellement existé, un texte court, très prenant, l’écriture de Kessel me ravit à chaque fois (« Les Cavaliers » est sans doute le roman de Kessel qui m’a le plus marquée) par sa clarté, son rythme qui empêche de poser le livre avant de connaître la fin de l’histoire. Une bonne introduction à la plume de Kessel. (en poche chez Gallimard collection « folio », 87 pages)

[Pascal]

c'est qu'il se base sur l'image que les bolchevicks puis les staliniens ont cherché de donner de Makhno. Makhno était bel et bien un anarchiste, mais ni un bandit, et encore moins un antisémite ! Ce n'est pas ici l'objet de développer l'histoire de Makhno, de la Makhnovtchina (Armée Insurectionnelle menée par Makhno) ou de la guerre civile en Ukraine. Ceux et celles que cela intéresse trouveront sur le net, y compris en français, pas mal de textes sur Makhno, y compris les nombreux textes qu'il a écrit lui-même, des textes politiques, pas des textes d'un "bandit assoifé de sang" (dont d'ailleurs des textes qui condamnent catégoriquement l'antisémitisme et autres haines nationalistes).Et pour ce qui est de l'antisémitisme, il convient simplement de rappeler que la makhnovtchina était intraitable avec les pogromistes. A noter d'ailleurs, que dans l'état-major de la Makhnovtchina, il y avait de nombreux anarchistes et révolutionnaires juifs : Taranovsky (dernier chef d'état-major du mouvement), Léon Zinkovsky (commandant de l'escorte personnelle de Makhno lors de son exil par la Roumanie), Issac Téper (rédacteur du journal "La voix du Makhnoviste" à Kharkov en 1920), etc, etc. Tchérikover, spécialiste des recherches sur les persécutions et pogromes en Ukraine, écrit d'ailleurs à ce propos : "Il est incontestable que, parmi toutes les armées, y compris l'armée rouge, c'est l'armée de Makhno qui s'est comporté le mieux à l'égard de la population civile en général et de la population juive en particulier. (...) Ne parlons pas des pogromes soi-disant organisés ou favorisés par Makhno lui-même. C'est calomnie ou une erreur (...)".Enfin pour creuser le sujet, on peut lire le livre d'Alexandre Skirda, "Nestor Makhno, le cosaque libertaire, 1888-1934" (Editions de Paris), en particulier le chapitre 31, "A propos des accusations de banditisme et d'antisémitisme". Et pour finir, une dernière précision, Makhno n'a pas combattu "rouges et blancs sans dissernement" : en 1917, Makhno a organisé les ouvriers et les paysans de Goulaïe Polé, en Ukraine (qui était alors occupée par les troupes austro-hongroises), d'où est parti un mouvement révolutionnaire. Jusqu'à la victoire sur "les blancs", il y avait des alliances entre makhnovistes et rouges. Or, une fois les blancs vaincus, c'est l'armée rouge qui s'est dirigé contre la Maknovtchina, et cela parce que la conception anarchiste du socialisme, développée par Makhno et d'autres (un socialisme sans Etat), s'opposait à celle des bolchéviks. Pour Makhno, le socialisme devait vraiment se construire à partir des soviets, c'est-à-dire les conseils élus et contrôlés par les ouvriers et les paysans, alors que pour Lénine, le pouvoir revenait au Parti-Etat. Bon voilà, c'étaient juste quelques pécisions sur Makhno. Plutôt que de combattre les idées de Makhno sur le terrain politique, les bolchévicks ont préféré le calomnier (en l'accusant de bantitisme par exemple). Et il est dommage que ce soit sur la base de telles calomnies que se base le livre dont tu tu parles.Pascal