L'homme-soeur - Patrick Lapeyre

[clarabelle]

Et voici la critique d'un libraire sur le Prix Inter 2004 :Patrick LAPEYRE L'homme-soeur
P.O.L
19,90 €
"En bas, dans la rue, tous les non-Cooper lisent leur journal aux terrasses, règlent des affaires par téléphone, s'inquiétent des horaires d'avions, prennent des rendez-vous, sortent avec des femmes, pendant que lui - qui, sincèrement, n'en veut à personne - passe sa vie à radoter sur son lit ou à errer dans son appartement comme un ectoplasme. Il faudra bien qu'un jour on lui explique ce que les autres ont et qu'il n'a pas. Ce n'est pourtant pas faute pendant des années d'avoir essayé de faire comme les autres; mais soit il lui a manqué certaines notions de base au départ, soit il a tout compris à l'envers. En tout cas, le résultat est là. Un jour, quand il sera pétrifié par sa solitude, on le posera sur un socle, au fond d'un jardin, et les pigeons pourront s'en donner à coeur joie. "Alex Cooper, chargé d'études dans une banque, physique banal, habitudes de vieux célibataire que rebute toute fantaisie, bon garçon au fond, dont l'ambition s'est édulcorée jusqu'à devenir exsangue au fil des années est pourtant consumé de l'intérieur par une attente qui le tient en vie mais dont il ne peut parler. Car depuis des jours qui se comptent par centaines, il attend le retour de sa soeur partie aux Etats-Unis. Il attend Louise pour laquelle il nourrit une passion depuis ce moment d'abandon d'un jeune corps endormi contre lui sur la banquette d'une voiture. Et en attendant il fait semblant de vivre en respectant certaines règles. Mais le narrateur lui-même qui veut nous faire croire que tout cela finalement n'est pas si dra-matique, que son personnage s'en tire quelquefois plutôt bien, jouant d'un ton décalé, épinglant au passage des comporte-ments qui deviennent désopilants pris sous un certain angle, ne pourra, comme le lecteur échapper à l'émotion tragique qui d'un coup s'infiltre et comme la marée, passée un certain stade, submerge tout. Car, si Patrick Lapeyre sait manier à merveille l'ironie et nous régale de quelques scènes d'une irrésistible drôlerie, c'est sans doute pour mieux, sans trace de sensiblerie aucune, nous serrer la poitrine à l'évocation de la perdition d'Alex. Un excellent roman. (Françoise Folliot de la librairie Le Square à Grenoble.)

[Alice]

Très gros coup de coeur pour ce livre à part, à l'écriture fluide. Lapeyre dépeint la vie de Cooper, sa relation avec sa soeur, son boulot, et bien que l'ensemble paraisse très noir c'est écrit avec énormément d'humour. Les courts chapitres donnent un rythme dynamique au roman. Phrase relevée que j'ai aimée (d'ailleurs toutes les phrases de fin de chapitre sont jolies): "Elle respirait si calmement en dormant qu'on aurait cru qu'elle avait la faculté d'augmenter le silence de la chambre". Folio, 272 pages.