clarabelle
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Posté le: Sam Fév 12, 2005 9:28 pm Sujet du message: Seule au rendez vous - Anne Plantagenet |
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Il ne faut pas moins de quatre pages pour noter toutes les références qui ont servi à Anne Plantagenet pour s'instruire, s'enrichir et se parer de la troublante personnalité de Marceline Desbordes-Valmore ! Un puissant travail, riche, fourni et creusé, pour un résultat épatant ! L'osmose entre l'auteur et son personnage est saisissante ! "Seule au rendez-vous" est un roman, une biographie romancée, un exercice très en vogue actuellement, via les peintures ou les veuves d'écrivains célèbres, par exemple. En s'inspirant de la figure de la poétesse, Anne Plantagenet nous dévoile un portrait d'une vraie héroïne ! Passionnée, passionnelle et passionnante ! Marceline Desbordes-Valmore était une poétesse talentueuse, une femme amoureuse, une amante exclusive, une mère possessive, une enfant meurtrie... en vrac. Le livre s'ouvre sur la rupture entre Marceline et Henri de Latouche, cet amant terrible, parfait, absolu, "une sorte de statue grandiose ou de stèle, d'idole" qu'elle ne cessera jamais de vénérer tout au long de sa vie ! Car même si Marceline et Henri se quittent, ils ne cesseront de se retrouver, de s'écrire et de conserver cet attachement l'un pour l'autre. De son côté, Marceline est l'épouse de Prosper Valmore, comédien. Un mariage survenu tardivement dans la vie de Marceline, vers trente ans, après deux grossesses malheureuses, trois hommes marquants. Quand elle rencontre Prosper, Marceline est éblouie par sa beauté, sa jeunesse et son amour fou. Suite à cette union, enceinte par deux fois, elle est seulement maman d'un petit Hippolyte. Mais en quittant son amant, Marceline part avec un enfant dans le ventre, dont elle taira à tous le terrible secret. Bref, l'impertinence du roman est de combiner, chapitre après chapitre, des épisodes de la vie de Marceline d'avant et dans le présent, en marche vers le futur. Ainsi on commence par la séparation des amants pour terminer par leur liaison naissante ! Fin stratagème qui mêle l'enfance, l'adolescence, la femme et les premières rides apparentes... C'est indéniablement le portrait d'une femme exceptionnelle, au destin tout aussi extraordinaire. Enlevée par une maman, à peine dix ans, elle quitte sa famille pour parcourir du pays et prendre le bateau pour les Antilles. A son retour en France, elle se lancera dans le théâtre, enchaînera ascencion et décadence, sursaut de gloire, d'orgueil et fatalité. Le parcours de Marceline est semé d'embûches, mais au-dessus de tout, brûle cette flamme pour la passion, pour l'amour. Une âme éprise d'idéal. Une envie de perdre la raison. Aimer follement, aimer à perdre la raison car vivre, c'est aimer ! dit-elle.
Alors, Marceline Desbordes-Valmore conservera cette droiture jusqu'au bout, jusqu'à ses derniers jours. Son destin se lit d'une traite, drapé de hauts et de bas, nourrissant un coeur entier et donnant naissance aux plus belles de la poésie française. Vraiment, un portrait de femme à dévorer ! à s'alimenter ! à faire sien !
Laffont, 290 pages.Et quelques extraits : " Toute une saison, Latouche m'a aimée. C'est bien assez pour instaurer, la vie qu'il me reste, un culte à sa mémoire. Il ne faut plus toucher à rien. J'écrirai pour lui, ma poésie sera sienne, elle sera lui. Notre amour demeurera figé en ce long printemps d'une année qui vient de s'écouler et qui m'appartient désormais. En chair et en os, Henri me dépossède de tout, de mes émotions mêmes. Eloigné, absent, perdu, il ne m'atteindra plus, sera contraint de me rendre mes propres souvenirs, nettoyés, intouchables. Il ne pourra plus rien salir, plus rien renier. A partir d'aujourd'hui, il nous reste l'éternité. "" Je m'abandonne à l'ivresse des mots, perdant peu à peu toute retenue. A des centaines de lieues d'Henri, sans la moindre perspective de le revoir, j'ose lui écrire ce que je ne lui dirais pas. Peut-être même ce que je ne pense pas. J'aime l'amour. J'aime l'entendre, l'offrir, le recevoir, le contempler, le dénouer en de longues phrases qui dépassent mes sentiments peureux. "" Il existait donc des êtres qui plaçaient l'amour avant tout, avant la peur de perdre ou de souffrir, avant leur souffle même ! Des âmes admirables, éprises d'idéal. Soudain le monde me semblait différent. J'avais envie moi aussi de perdre la raison. Vivre, c'était aimer. Le regard qui se prend, le baiser qui se vole. Un don total et meurtrier. Rien d'autre, je le devinais, ne valait la peine. "" Qui comprendra la dualité de mon coeur qui m'oblige à les aimer tous deux chacun à leur manière depuis plus de vingt ans ? Longtemps j'ai cru qu'il me fallait choisir entre l'un et l'autre. Aujourd'hui je sais que c'est faux. Valmore est la face lumineuse d'Henri. Henri est l'envers opaque de Prosper. J'ai besoin de l'un et de l'autre, de ces deux formes d'amour aussi opposées. Je suis moi-même ces deux extrêmes. "
Un article est également paru dans le magazine Lire du mois de février. |
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