[Revue] Fées Divers 1

[Psyché]

Fées Divers n°1 : Sombre Féerie


Dès le premier numéro de sa nouvelle revue, l’association Le Souffle d’Eole, vouée à défendre une féerie loin des clichés qui trop souvent la dénaturent, annonce clairement la couleur. Le lecteur est ainsi d’emblée confronté à une couverture fascinante et terrible, belle réalisation de Marie Guillaumet en harmonie avec la thématique du numéro, « Sombre Féerie ».
Les éditoriaux, engagés, constituent de leur côté une véritable déclaration de guerre envers une exploitation commerciale qui transforme les fées en petites créatures ailées, sucrées, qui ne seraient là que pour nous accorder nos trois vœux les plus chers dans un petit nuage de fumée rosée – et une déclaration d’amour à l’égard du folklore qui nourrit notre imagination, nos fascinations et nos terreurs.

Le dossier « Sombre Féerie » m’a paru très bien fait. Après quelques conseils de survie pour les innocents qui ignoreraient les dangers de Féerie, et la présentation de certaines créatures dont il convient de se méfier (mais en sommes-nous capables ? Les illustrations de Xavier Collette sont là pour le prouver, ces êtres ne manquent pas de charme !), les rédactrices nous plongent au cœur du folklore écossais avec une visite de la Cour Unseelie et un aperçu de ses résidents les plus remarquables. Suit un article très fouillé sur l’horreur dans le conte, retour bienvenu aux sources les plus sombres de ces récits dont beaucoup à notre époque ont été affaiblis, voire vidés de leur substance ; l’article est accompagné d’une présentation intéressante (quoiqu’un peu trop brève à mon goût) de deux conteuses parmi les plus envoûtantes de notre temps, Angela Carter et Tanith Lee. Enfin, le dossier se clôt sur une bonne bibliographie qui permettra à ceux qui le désirent de pousser plus avant leur périple dans ces terres de danger et de beauté.

J’ai également beaucoup apprécié la partie Nouvelles et Poésies, joliment illustrée par Bob Giadrosich. Les deux premières nouvelles poursuivent l’exploration des visages les plus obscurs de la Féerie. Avec « Prisonnière du bitume », Isabelle Gusso nous offre un texte finalement très sombre, et qui pousse à se demander dans quelle nature, humaine ou féerique, réside la plus grande noirceur. « Hors d’œuvre poétique », par Nicolas Grandemange, aborde un autre aspect essentiel du monde féerique, son rapport avec les artistes, êtres sensibles s’il en est à ses dangereux envoûtements.
J’ai aussi adoré la nouvelle hors thème de Léa Silhol, « Point du Jour », véritable morceau d’enchantement qui apporte un émouvant éclairage sur ce qui fait la beauté de la fantasy urbaine.
Mais la meilleure surprise de cette partie littérature, ce fut pour moi les deux poèmes présentés. La forme poétique est trop peu présente actuellement dans le merveilleux français, et c’est bien dommage. On en apprécie d’autant plus les deux joyaux sélectionnés, splendides et cruelles variations sur les rapports humains dans les contes de Blanche-Neige et de Cendrillon, par ces grandes auteures que sont Delia Sherman et Emma Bull.

A tout cela, il faut encore ajouter de judicieux conseils de lecture, des interviews et articles bien documentés sur des sujets variés et parfois inattendus, preuve que les rédacteurs de Fées Divers doivent posséder un de ces cailloux percés qui leur permettent de dénicher la féerie où qu’elle se cache, que ce soit en musique (avec Loreena McKennitt), dans les jeux ou les objets de collection, en terres légendaires (ici, la forêt de Brocéliande, superbement évoquée) – ainsi que dans le travail d’artistes comme le couple Froud, ou Marina Bychkova, créatrice d’exceptionnelles poupées inspirées des contes.
Bref, une revue de référence – le seul bémol que j’aurais à formuler concerne la présence de coquilles, défaut qui devrait être aisément corrigé dès le prochain numéro. Je la recommande chaudement à tous les lecteurs, néophytes ou familiers du folklore, qui voudraient apercevoir le vrai visage des fées.

Le site de Fées Divers

[Val]

Je viens de me commander le numéro 1