Le Prince - Machiavel

[Outremer]

Machiavel est un personnage historique qui a tellement marqué les esprits que son nom est entré dans le vocabulaire courant. Le machiavélisme est synonyme d'habileté et de fourberie poussées à un point extrême. Le personnage machiavélique par excellence, c'est Iago : un manipulateur démoniaque, qui fait danser ses victimes sans qu'elles s'en rendent compte, pour le seul plaisir de nuire. Bref, en écrivant Le Prince, Machiavel s'est assuré une place pour le moins sulfureuse dans l'Histoire.

Si les idées de Machiavel ont tellement choqué, c'est sans doute parce qu'elles tranchaient tellement avec ce qui avait cours à l'époque. Pendant très longtemps, tous les penseurs politiques se sont attachés à décrire ce qui devrait être, ce qui serait souhaitable, ce qui serait bon pour l'humanité. Machiavel, lui, est un réaliste. Il prend les hommes comme ils sont et, à partir de là, décrit les meilleurs moyens pour un prince d'acquérir et/ou de conserver le pouvoir. Il n'hésite pas à dire que beaucoup de qualités peuvent nuire à un dirigeant et que beaucoup de défauts peuvent au contraire lui servir. Les procédés et les politiques dont il recommande l'usage font totalement abstraction de la morale.

Petit exemple de stratagème qu'expose Machiavel :
Soit un prince qui vient de conquérir un nouveau territoire. La région est pleine de désordres ; les bandits et les mécontents abondent. Le prince met à sa tête un lieutenant à lui, homme particulièrement dur et brutal. La région est pacifiée dans le sang. Le prince se rend alors dans son nouveau territoire et fait mine de découvrir les exactions de son lieutenant. Il organise un procès, le fait exécuter et remplacer par quelqu'un de plus modéré. Bilan : la stabilité de sa nouvelle possession n'est plus menacée et le prince jouit néanmoins de l'estime de ses sujets.

Il serait cependant injuste de voir en Machiavel quelqu'un qui conseille cyniquement aux princes de conserver le pouvoir à n'importe quel prix. On pourrait résumer efficacement sa pensée par la locution "La fin justifie les moyens". Machiavel considère qu'un pouvoir fort et stable est nécessaire au bien des citoyens ordinaires. Le despotisme et les crimes ponctuels sont justifiés par la nécessité d'empêcher les ravages et les pillages qu'entraîne la faiblesse de l'ordre établi.

Le point de vue de Machiavel est forgé en bonne partie par la situation de l'Italie à son époque : divisée en une multitude d'Etats toujours en conflit, affaiblie, envahie à de multiples reprises, humiliée par les armées étrangères et les troupes mercenaires. Machiavel est profondément patriote et il désire que son pays retrouve stabilité et prestige. Le Prince s'achève d'ailleurs sur une exhortation à Laurent de Médicis sur ce sujet.

Je ne parle pas vraiment du contenu de l'oeuvre, parce qu'il serait difficile de la résumer. Machiavel présente les choses de façon très ordonnée, claire et simple. Il appuie ses idées à l'aide de nombreux exemples, provenant à la fois de l'Antiquité et de son époque (il mentionne à de nombreuses reprises César Borgia, un personnage pour le moins déplaisant mais qui lui avait fait forte impression). Le Prince est une lecture relativement brève, qui reste constamment intéressante. L'intelligence de Machiavel s'apprécie d'autant plus que son oeuvre est d'un abord plutôt facile.

[Lisbeï]

Un livre que j'ai lu au moins 2 fois, et beaucoup aimé, encore + à la relecture. Tiens, d'ailleurs, je devrais m'y replonger ! Merci Outremer !
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Même le soleil se couche.

[Turb]

Je l'ai lu très recemment, et j'avoue avoir été assez déçu : on a souvent vanté l'intemporalité de ce livre et pourtant je l'ai senti assez daté, littéralement obsolete dans le monde d'aujourd'hui, et par conséquent je lui ai trouvé un intérêt plus historique.
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En cours de lecture : Le Mythe de Sisyphe, d'Albert Camus

[Outremer]

Il est certain que le monde de Machiavel est très différent du nôtre. Son opinion sur les troupes mercenaires, les forteresses ou les principautés ecclésiastiques présente un intérêt essentiellement historique dans la mesure où il décrit des phénomènes qui n'existent plus aujourd'hui. En revanche, les leçons de realpolitik sont toujours d'actualité, même s'il faut bien entendu les adapter à l'évolution des régimes politiques. Quand Machiavel dit que seuls sont parvenus à leurs fins les princes qui ont multiplié les promesses qu'ils n'avaient aucune intention de tenir, on n'a pas le sentiment que ce commentaire soit aujourd'hui obsolète !

[Lisbeï]

Complètement d'accord avec Outremer : dans ce livre les "détails accessoires" sont obsolètes, mais le reste ne l'est malheureusement pas !
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Même le soleil se couche.