Posté le: Sam Aoû 04, 2007 9:31 pm Sujet du message: Maus - Art Spiegelman
Maus, bande dessinée américaine ultra-récompensée (Pulitzer, Angoulème, etc.) est désormais un incontournable.
Art Spiegelman présente son propre père racontant son passage au ghetto de Varsovie et à Auschwitz.
L'exercice peut sembler déjà fait de nombreuses fois, cependant plusieurs originalités font la force de l'oeuvre :
- le thème est nouveau, ou peu exploité en bande dessinée ;
- le style est simple, noir et blanc, les juifs sont représentés par des souris, les nazis par des chats et les polonais par des cochons. Cela crée un distance, ou plus cela rend la lecture supportable (un autre procédé était utilisé dans le film Nuit et brouillard pour rendre le récit supportable : la musique classique) ;
- Art Spiegelman effectue un exercice périlleux, qui est la mémoire, tout en ne faisant pas de son père un héros. Dans un procédé autobiographique assez étrange (cf. illus plus bas), il livre à ses lecteurs ses doutes quant à l'oeuvre qu'il est en train de construire. Il crée une distance sur le point et vue et le témoignage de son père, ignorant le récit précis et circonstancié présentant des faits historiques, même si la BD se révèle très didactique sur ce qu'est un camp de la mort.
Tome 1 - Mon père saigne l'histoire
Tome 2 - Et c'est là que mes ennuis ont commencé _________________ En cours de lecture : Le Mythe de Sisyphe, d'Albert Camus
Dernière édition par Turb le Dim Aoû 05, 2007 8:44 pm; édité 1 fois
C'est le genre de lecture qu'on oublie pas, il y a des passages très marquants:"ceux qui prenaient une balle avaient de la chance , les autres devaient sauter directement dans le brasier.".
Je ne sais pas si je peux dire que j'ai "aimé", mais en tout cas j'ai dévoré !
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Posté le: Jeu Aoû 16, 2007 6:40 pm Sujet du message:
Je ne connaissais que de nom (l'aura de Maus étant ce qu'elle est), et j'avoue qu'avant de me pencher sur l'oeuvre, je pensais me retrouver face à quelque chose de peu original. De plus, le dessin ne m'ayant pas frappé, j'attendais une occasion pour le lire, sans pour autant la rechercher. Elle vint quand je vis les 2 tomes à la bibli. Et grand bien me fut de les prendre.
En effet, Maus est une oeuvre forte et poignante, qui frappe au coeur, car elle est menée d'une façon unique par Art Spiegelman, d'une façon profondément personnelle, et donc, mêlée de nombreux sentiments.
Comme l'a présenté Turb, l'histoire principale de Maus est celle du père de Art, que celui-ci retranscrit. Et c'est là que l'oeuvre sort des sentiers battus, lorsque l'auteur décide de raconter, non pas une histoire, mais leur histoire dans l'Histoire. Le livre est autobiographique et biographique en même temps, et entremêle habilement présent et passé. Art et Vladek, son père, forment ensemble le coeur de l'oeuvre à travers leurs rapports. Maus me fais l'effet de plusieurs bouts de Vie mis en images, avec celle de Vladek en toile de fond, bien sur, et la route qu'il a mené pour échapper à la Mort NAZI; puis celle de Art, avec ses doutes et sa mise en abîme personnelle.
Ainsi, l'auteur a beau représenter ses personnages par des animaux, les sentiments et rapports familiaux leurs donnent un aspect si humain que la distance m'a paru atténuer.
On se laisse porter par les sentiments de ces souris, alternant joie, effrois, étonnement et malheur en leur compagnie. Et colère aussi.
On suit le chemin parcouru par Vladek passionnément, avec continuellment un arrière-goût au fond de la gorge, difficile à décrire mais bien présent quand on ferme le bouquin. Un certain enthousiasme mêlé de honte peut-être.
Les rafles, les ghettos, les camps d'extermination, le racisme au quotidien, l'antisémitisme latent chez beaucoup (trop) de personnes, la peur du lendemain, la résignation. Un jeu du chat et de la souris où ce sont les Humains qui sont sortis perdant. Et où il n'y eut pas de survivants.
La guerre a tué Anja et Vladek, et par ricochet, a blessé Art. Maus me parait clairement refléter cela.
Formellement, le noir et blanc est plus qu'approprié pour l'oeuvre, et le trait à hauteur de souris bien assez lisible.
Maus est donc à découvrir, pour allier travail de mémoire, réflexions et plaisir de lecture. _________________ Brise et ruine d’abord ce monde, nous verrons si l’autre surgit ensuite
Posté le: Lun Oct 15, 2007 7:51 pm Sujet du message:
Je l'ai lu à mon tour, et viens à peine de le refermer. C'est peut-être d'ailleurs encore trop frais dans mon esprit pour que je puisse y réfléchir vraiment, mais je ne regrette absolument pas ma lecture. Merci, merci infiniment de m'avoir fait découvrir ce titre!
Il a fallu que je me fasse violence pour ne pas lire l'intégrale d'une traite tant je me suis sentie happée par le récit. Certes, l'intention de l'auteur était peut-être de mettre de la distance entre le récit et la réalité en choisissant de représenter les humains sous des traits animaux, mais en ce qui me concerne, j'ai plutôt eu l'impression d'une réalité encore plus mise à nu... la matérialisation des a priori nazi, un visage de juif plutôt qu'une étoile jaune épinglée...
Le noir et blanc épure le trait mais... noircit l'atmosphère globale. Encore une fois, j'ai trouvé qu'il montrait la réalité à nu, dans toute son horreur... Un peu comme s'il n'y avait de toute façon pas de couleur pour décrire ce qui est arrivé à Vladeck, et que seule la neutralité du noir et blanc pouvait s'approcher d'une peinture des faits...
Une remarque tout de même : c'est aussi l'histoire des relations entre Art et son père, et ça fait autant partie de l'histoire que le reste. Vladek est toujours (à peu près) le même "pendant la guerre" et "au temps présent", mais dans la première de ces périodes, on remarque surtout ses qualités (sa débrouillardise incroyable, sa chance), alors que dans la seconde, ce n'est qu'un emmerdeur fini, égocentrique et radin au dernier degré. Ce qui rend son histoire plus humaine, quelque part. _________________ Crazy Modératrice et Dictatrice Adjointe Il ne faut pas confondre ce qui est personnel et ce qui est important (Terry Pratchett)
J'ai un blog, et maintenant, j'ai publié un roman
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Posté le: Jeu Aoû 21, 2008 1:32 am Sujet du message:
Je ne suis pas fan ... désolé ... je sais pas .. pas d'accroche, et c'est pas faute d'avoir essayé. je ne saurai l'expliquer .. oui mon post n'a aucune utilité .. je sors _________________ Les tribulations d'un petit éditeur
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Posté le: Sam Aoû 23, 2008 10:56 am Sujet du message:
Non c'est pas un post inutile, ça montre qu'on accroche pas tous, c'est tout
Il y a parfois des livres qui ne nous touchent pas, on y peut pas grand chose _________________ Zelphalya
Co-Administratrice du Coin des Lecteurs
Inscrit le: 24 Mar 2008 Messages: 3281 Localisation: Dans la lune
Posté le: Sam Aoû 28, 2010 9:54 am Sujet du message:
Je viens de lire cette BD. J'ai beaucoup aimé. Evoquer cette période via la BD était une gageure réussie. Certains passages rappellent Si c'est un homme, de Primo Levi.
J'aime aussi le choix que l'auteur fait de confier ses doutes, ses périodes de découragement, ses sentiments ambigus. Il est évident qu'avoir vécu dans les camps laisse des traces indélibiles. Mais avoir réalisé cette oeuvre ne doit pas laisser indemne. (Même si cela ne se compare pas.)
Crazy a écrit:
Une remarque tout de même : c'est aussi l'histoire des relations entre Art et son père, et ça fait autant partie de l'histoire que le reste. Vladek est toujours (à peu près) le même "pendant la guerre" et "au temps présent", mais dans la première de ces périodes, on remarque surtout ses qualités (sa débrouillardise incroyable, sa chance), alors que dans la seconde, ce n'est qu'un emmerdeur fini, égocentrique et radin au dernier degré. Ce qui rend son histoire plus humaine, quelque part.
Ex-ac-te-ment.
Je trouve que ça rajoute vraiment quelque chose à ce témoignage. Vladek n'est pas un héros. C'est juste un homme, parfois pénible, qui a survécu à l'horreur. Il n'est pas devenu le père idéal. On dirait que le père et le fils trouvent un terrain d'entente lorsqu'ils évoquent cette période alors que pour tout ce qui concerne la vie quotidienne ils s'engueulent. Le personnage de Anja est aussi intéressant et émouvant.
Art Spiegelman rend un superbe hommage a ses parents par cette oeuvre. _________________ Garde tes songes ;
les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous!
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