Inscrit le: 04 Avr 2005 Messages: 6305 Localisation: Sud
Posté le: Mer Sep 08, 2010 6:38 pm Sujet du message: La servante écarlate - Margaret Atwood
Feugnante comme on me connaît, je reprends de très larges extraits d'une chronique postée ailleurs.
Citation:
Je regrette qu'il y ait tant de souffrance dans cette histoire. Je regrette qu'elle soit en fragments, comme un corps pris sous un feu croisé ou écartelé de force. Mais je ne peux rien faire pour la changer.
De la femme qui parle, nous ignorerons toujours le vrai nom. Nous ne saurons que le terme qui la désigne : Defred. Dans cette dystopie féministe qui nous présente une dictature religieuse installée dans une grande partie des USA, les femmes n'ont pas d'autre identité que leur fonction, et le nom de celui auquel elles appartiennent. Defred est revêtue de vêtements rouges, symboles de sa fécondité, et du fait qu'elle a été dévolue à un Commandant pour lui donner l'enfant que son épouse ne peut plus lui donner :
Citation:
Notre fonction est la reproduction ; nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire : tout a été fait pour nous éliminer de ces catégories. Rien en nous ne doit séduire[...] Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c'est tout.
Par le regard de Defred nous allons donc assister à un accouchement, à un procés et une exécution, et à la vie de tous les jours, tout simplement : être accompagnée par Deglen pour faire les courses, être baisée par "son" Commandant de façon ritualisée, en présence de son épouse, et surtout être attentive, en permanence, aux signaux émanant de cet homme :
Citation:
Nous l'observons toutes. [...] s'il lui arrivait de défaillir, d'échouer ou de mourir, qu'adviendrait-il de nous ?[...] Quand même, ça doit être l'enfer, d'être homme, ainsi. Ca doit être très bien.
Ca doit être l'enfer.
Ca doit être très silencieux.
Defred évoque aussi ses souvenirs d'un autre temps, quand elle vivait dans sa maison avec son amour et leur petite fille, qu'elle travaillait, qu'elle avait des rapports difficiles avec sa mère, et des fous rires avec son amie Moira. Du passage d'un temps à un autre, nous aurons un tableau à la fois clair et imprécis, sachant que
Citation:
Rien ne change instantanément. [...]Il y avait des histoires dans les journaux, bien sûr, de cadavres dans des fossés ou des forêts, matraqués à mort ou mutilés, violentés comme ils disaient, mais il s'agissait d'autres femmes et les hommes qui faisaient ces choses-là étaient d'autres hommes. Aucun ne faisait partie des hommes que nous connaissions. Les articles des journaux étaient pour nous comme des rêves, de mauvais rêves, rêvés par d'autres. Quelle horreur, disions-nous, et c'était horrible, mais c'était horrible sans être crédible.
Il me semble que la dernière citation que j'en ai extraite vous donnera une idée de ce qui me paraît être l'actualité de ce roman, et sa pertinence.
Que le fait que ce soit un roman féministe ne vous en détourne pas : pour moi, c'est l'une des grandes qualité de ce livre que les hommes n'y soient pas stigmatisés, loin de là. La protagoniste est toujours consciente de ce que les deux sexes ont perdu en réduisant l'un des deux à l'état d'objet : l'amour ne doit trouver aucune prise.
En revanche, l'action est quasiment absente de ce roman, intimiste s'il en est, tout comme les grandes idées et les grands combats. C'est fait pour être à l'échelle d'une vie de femme étriquée, et de façon très habile. La petite voix de Defred n'est pas facile à oublier. _________________ Même le soleil se couche.
Inscrit le: 14 Aoû 2003 Messages: 4641 Localisation: à l'ouest
Posté le: Mer Sep 08, 2010 6:59 pm Sujet du message:
Très impressionnant, ce récit d’un futur pas si improbable mais malgré tout terrifiant, avec un sentiment d’inéluctable. Heureusement, la fin donne un certain recul... _________________ Fantasy can become reality (Stratovarius).
Inscrit le: 04 Avr 2005 Messages: 6305 Localisation: Sud
Posté le: Jeu Sep 09, 2010 5:22 am Sujet du message:
@ Theyoubot : Probablement, mais on n'en sait rien.
Spoiler:
Personnellement, je dirais que par cette imprécision même l'auteur rappelle à la fois que c'est l'histoire de Defred qui est importante, et par là même oriente son histoire sur le versant intimiste, et non politique et social ; et à la fois que tout régime finit par passer (en quoi Atwood se montre moins pessimiste... ou + réaliste qu'Orwell, par exemple... mais c'est une autre histoire).
Tout ceci n'étant bien sûr que mon avis . _________________ Même le soleil se couche.
Inscrit le: 16 Mai 2009 Messages: 3029 Localisation: Loire
Posté le: Jeu Sep 09, 2010 6:00 pm Sujet du message:
C'est un roman impossible à oublier. Il m'a laissé une grande impression, et je sais que je le relirai, et relirai... _________________ On ne sait jamais ce que notre malchance nous a évité de pire. Cormac McCarthy
Posté le: Jeu Sep 09, 2010 8:10 pm Sujet du message:
Je n'en garde pas un souvenir impérissable. Bon, il faut dire aussi que je l'avais lu pour mes études,mais cela n'explique pas tout...Peut-être que mon niveau d'anglais n'était pas suffisant pour tout capter. Je me souviens que c'était bien sombre...Il n'empêche que vous me donnez envie de le relire...
Inscrit le: 30 Juin 2004 Messages: 5671 Localisation: Physiquement : Cergy, France. Mentalement : MIA
Posté le: Ven Sep 10, 2010 4:09 pm Sujet du message:
Il n'y a pas eu une adaptation au ciné ?
*flemme de rechercher* _________________ Crazy Modératrice et Dictatrice Adjointe Il ne faut pas confondre ce qui est personnel et ce qui est important (Terry Pratchett)
J'ai un blog, et maintenant, j'ai publié un roman
Inscrit le: 16 Mai 2009 Messages: 3029 Localisation: Loire
Posté le: Ven Sep 10, 2010 4:40 pm Sujet du message:
Si, mais c'était loin d'égaler le roman (comme d'hab'). Je suis incapable de me souvenir qui, quand, comment...Theyoubot saura mieux que moi, je pense.
@ Jaipadepseudo : moi, je l'ai lu en français, c'est plus facile
Sérieusement, je suis INCAPABLE de lire quoi que ce soit en anglais, alors je vous admire !! _________________ On ne sait jamais ce que notre malchance nous a évité de pire. Cormac McCarthy
Inscrit le: 12 Avr 2006 Messages: 5856 Localisation: deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin...
Posté le: Ven Sep 10, 2010 4:48 pm Sujet du message:
"La servante écarlate", film de Volker Schlöndorff sorti en 1990, avec Natasha Richardson, Robert Duvall, Elizabeth McGovern.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=5796.html _________________ Il s’évanouit tout doucement à commencer par le bout de la queue,
et finissant par sa grimace qui demeura quelque temps après que le reste fut disparu.
Posté le: Dim Jan 08, 2012 11:28 pm Sujet du message:
Mon avis.
Lorsqu'on commence ce livre, on ne sait pas où on se trouve, dans quelle époque l'héroïne vit (passé, présent, futur). Tout ce qu'on sait c'est que la liberté se trouve au Canada.
Par contre ce que l'on sait, c'est qu'elle vit un vrai cauchemar. Dans la nouvelle société autoritaire et patriarcale où elle vit, les femmes sont confinées à différents rôles : les Martha aux tâches ménagères, les Épouses au tricot pour les soldats, les Servantes écarlates à la reproduction. Tout est régi, chaque rôle, chaque geste, chaque parole. Régi et surveillé. Comme la guerre fait rage ailleurs, on ne sait trop où, cette société, se voulant parfaite, est refermée sur elle-même.
La servante écarlate est un roman d’anticipation qui n’anticipe pas le meilleur, surtout pas pour les femmes. A la lecture on ressent une impression d'enfermement aussi bien physique que psychique. L'héroïne n'a que ses souvenirs heureux ou même malheureux, mais qui faisaient d'elle une femme libre de ses choix et de ses mouvements, pour se maintenir en état de survie mentale.
Pour moi c'est un roman à la fois dur à lire, car tout paraît confus aussi bien dans sa tête que dans l'histoire, mais aussi très prenant car lorsqu'on l'a lu on se rend compte que la suite était logique pour arriver à la destinée de Defred.
On a aussi l’impression d'être dans sa tête et de vivre ce qu'elle vit. Les descriptions faites sont pleines de poésie, lorsqu'elle se remémore ce qu'elle a vécu auparavant, sa jeunesse, son mariage, sa fille.
Sa vie quotidienne est quant à elle d'une telle platitude qu'on se demande comment elle peut survivre à tout ça, n'être qu'un objet destiné à produire un enfant qu'on lui enlèvera aussitôt et encore faut-il qu'il soit viable car la dénatalité, la stérilité imputée aux femmes, les pollutions, les restrictions alimentaires font qu'un enfant peut être mené à terme, mais être complètement mutant ou non viable. Ce qui se retournera contre la mère biologique.
Un livre que j'ai beaucoup aimé, bien qu'il y ait comme un sentiment de confusion dans la lecture entretenu par l'auteur pour nous faire prendre conscience qu'une telle société pourrait réellement exister, et que les extrêmes ne sont pas forcément ce qu'il y a de meilleurs pour l'humain. C'est un livre magistral, très intelligent contre le fanatisme et pour les droits des femmes sans pour autant tomber dans la facilité. La vie est maintenant et dans une société où les hommes et les femmes vivent ensemble.
L'auteur.
Margaret Eleanor Atwood (née le 18 novembre 1939 à Ottawa, Ontario) est une romancière, poétesse et critique littéraire. Elle est l'une des écrivaines canadiennes les plus connues.
Le prix Arthur C.Clarcke lui a été décerné en 1987 pour son roman The Handmaid's Tale publié en français sous le titre La Servante écarlate
En janvier 2009, une polémique est lancée à Toronto : son livre La Servante écarlate est accusé par un parent d'élève d'être violent, dépravé et tout à la fois antichrétien et anti-islamiste
Inscrit le: 04 Avr 2005 Messages: 6305 Localisation: Sud
Posté le: Lun Jan 09, 2012 6:42 am Sujet du message:
Contente qu'il t'ait plu, Marine. Et visiblement, il est toujours d'actualité, puisqu'il crée la polémique... _________________ Même le soleil se couche.
Posté le: Lun Sep 14, 2020 1:55 pm Sujet du message: La servante écarlate-Margaret Atwood
Synopsis: roman de Margaret Atwood publié aux États-Unis en 1985, il raconte l'histoire d'un régime théocratique et patriarcal où les femmes sont réduites à l'esclavage sexuel.
Avis: Ce fut mon premier roman dystopie, je l'ai découverte après avoir vu quelques épisodes de son adaptation à la télé. C'est un roman plein de rebondissement où l'on s'attache à l’héroïne. On a envie de crier et de hurler contre les injustices que les femmes subissent. Le plus dur c'est que l'on se rend compte que certaines femmes vivent dans ces conditions dans quelques pays totalitaires et conservateurs. _________________ "La tendresse d'une mère pour son enfant commence à l'instant même où son enfant voit le jour. Mais à mesure que l'enfant grandit, la mère s'attache à lui par tous les liens qui peuvent unir une âme à une autre. Elle l'aime pour les grâces qu'il a réellement, et pour celles qu'elle lui suppose ; elle l'aime pour le bonheur qu'il lui donne, et pour les soins et pour les peines qu'il lui a coûtés ; elle l'aime quelquefois pour ses défauts, ou pour ses souffrances ; elle aime en lui l'image vivante et embellie du père de famille ; elle l'aime comme la consolation et la gloire de son avenir.
Citation de Jules Simon ; Le devoir (1854)
Inscrit le: 12 Avr 2006 Messages: 5856 Localisation: deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin...
Posté le: Mar Sep 15, 2020 8:45 am Sujet du message:
Sujet fusionné _________________ Il s’évanouit tout doucement à commencer par le bout de la queue,
et finissant par sa grimace qui demeura quelque temps après que le reste fut disparu.
Posté le: Mer Sep 23, 2020 2:00 am Sujet du message:
Je ne m'attendais pas à une histoire si contemplative. J'ai attendu tout le livre que quelque chose dérape pour au final être un peu déçue. N'est-ce pas là une bonne chose en soi ? Car au final l'histoire m'a pris aux trippes.
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