Argh, je cauchemarde : pas un seul sujet sur Verlaine ? Scandale ! (Et je n'ai pas parlé de Rimbaud...)
Eh bien, il faut que je vous fasse (re)découvrir pour commencer cette petite merveille qu'est Fêtes galantes, recueil découvert au lycée, redécouvert à la fac, adoré, re-adoré, lu et relu avec plaisir !
Fêtes galantes, ce sont des poèmes de longueur variable mais en général assez courts (disons une petite page), et dans des formes et des mètres divers, qui se passent dans un univers de galanterie idéalisée, plus ou moins érotique (mais toujours subtilement), et qui mettent en scène des personnages de jeunes amants et de jeunes dames ainsi que des masques de théâtre de commedia dell'arte (Arlequin, Scaramouche, Colombine, Pulcinella).
Verlaine s'amuse avec eux et s'amuse d'eux, eux-mêmes se trompent les uns les autres et se trompent eux-mêmes en même temps : ce sont des amours légères, faussement sérieuses, promptes aux exagérations, aux langueurs calculées, aux agaceries érotiques, mais qui ont tôt fait de se changer en piège : de serments en caresse, on risque se prendre au jeu de la sensualité et de l'amour. La fin est plus sombre, mais est-ce que ça ne finit pas toujours mal, ces petits jeux-là ?
La langue est soignée sans être hermétique, les vers sont légers, on est souvent à deux doigts de la chanson, c'est Verlaine en pleine forme, et c'est beau. Lisez-le, je le veux !
Le texte est sur Wikisource ici, et trouvable dans toutes sortes d'éditions bien faites en poche.
Le début :
CLAIR DE LUNE
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques,
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sur le mode mineur
L’amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d’extase les jets d’eau,
Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.
PANTOMIME
Pierrot, qui n’a rien d’un Clitandre,
Vide un flacon sans plus attendre,
Et, pratique, entame un pâté.
Cassandre, au fond de l’avenue,
Verse une larme méconnue
Sur son neveu déshérité.
Ce faquin d’Arlequin combine
L’enlèvement de Colombine
Et pirouette quatre fois.
Colombine rêve, surprise
De sentir un cœur dans la brise
Et d’entendre en son cœur des voix.
SUR L’HERBE
— L’abbé divague. — Et toi, marquis,
Tu mets de travers ta perruque.
— Ce vieux vin de Chypre est exquis
Moins, Camargo, que votre nuque.
— Ma flamme… — Do, mi, sol, la, si,
L’abbé, ta noirceur se dévoile !
— Que je meure, mesdames, si
Je ne vous décroche une étoile !
— Je voudrais être petit chien !
— Embrassons nos bergères, l’une
Après l’autre. — Messieurs, eh bien ?
— Do, mi, sol. — Hé! bonsoir la Lune !
L’ALLÉE
Fardée et peinte comme au temps des bergeries,
Frêle parmi les nœuds énormes de rubans,
Elle passe sous les ramures assombries,
Dans l’allée où verdit la mousse des vieux bancs,
Avec mille façons et mille afféteries
Qu’on garde d’ordinaire aux perruches chéries.
Sa longue robe à queue est bleue, et l’éventail
Qu’elle froisse en ses doigts fluets aux larges bagues
S’égaie un des sujets érotiques, si vagues
Qu’elle sourit, tout en rêvant, à maint détail.
— Blonde, en somme. Le nez mignon avec la bouche
Incarnadine, grasse, et divine d’orgueil
Inconscient. — D’ailleurs plus fine que la mouche
Qui ravive l’éclat un peu niais de l’œil.
A LA PROMENADE
Le ciel si pâle et les arbres si grêles
Semblent sourire à nos costumes clairs
Qui vont flottant légers avec des airs
De nonchalance et des mouvements d’ailes.
Et le vent doux ride l’humble bassin,
Et la lueur du soleil qu’atténue
L’ombre des bas tilleuls de l’avenue
Nous parvient bleue et mourante à dessein.
Trompeurs exquis et coquettes charmantes
Cœurs tendres mais affranchis du serment
Nous devisons délicieusement,
Et les amants lutinent les amantes
De qui la main imperceptible sait
Parfois donner un soufflet qu’on échange
Contre un baiser sur l’extrême phalange
Du petit doigt, et comme la chose est
Immensément excessive et farouche,
On est puni par un regard très sec,
Lequel contraste, au demeurant, avec
La moue assez clémente de la bouche.
Inscrit le: 27 Juin 2011 Messages: 3319 Localisation: Great North
Posté le: Mar Juil 03, 2012 1:05 am Sujet du message:
Plus séduit par la poésie en prose de Baudelaire et de Rimbaud que par le choix de l'impair de Verlaine , il eût mieux valu pour lui de naître au temps du free jazz . _________________ "Tout est dans tout et réciproquement ."
Inscrit le: 04 Avr 2005 Messages: 6316 Localisation: Sud
Posté le: Mar Juil 03, 2012 5:10 am Sujet du message:
J'ai honte, mais si je suis très fan d'Apollinaire, je suis assez peu sensible à Verlaine, et guère plus à Rimbaud. J'ai honte, je l'ai dit... _________________ Même le soleil se couche.
Inscrit le: 19 Mar 2007 Messages: 1489 Localisation: Paris
Posté le: Mar Juil 03, 2012 7:58 pm Sujet du message:
Rhôôôô vous ne savez pas ce qui est bon
Hoël, dans le genre poésie en prose, tu as été voir Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand ? C'est un très beau recueil (surtout la partie "La Nuit et ses prestiges"), il faudra que je lui ouvre un sujet un de ces jours.
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